Le 8 octobre 2010, recevant des cardinaux à Rome, le Président de la République Française a prononcé un discours qui ne respecte pas la Constitution et la Loi de 1905 concernant la séparation de l’Eglise et de l’Etat :
« La France n’oublie pas qu’elle a avec l’Église 2000 ans d’histoire commune et qu’elle partage avec elle, aujourd’hui, un trésor inestimable de valeurs morales, de culture, de civilisation qui sont inscrites au cœur de son identité.
L’Église avec les moyens spirituels qui lui sont propres, la République française avec les moyens politiques qui sont les siens, servent un grand nombre de causes communes.
Que veulent-elles ?
Elles veulent la justice.
Elles veulent l’équilibre.
Elles veulent la paix.
Elles veulent la fraternité.
Alors pourquoi ne se parleraient-elles pas ?
Pourquoi ne travailleraient-elles pas ensemble ?
Elles n’ont pas les mêmes responsabilités mais elles ont la
même exigence contre tout ce qui porte atteinte à la dignité de la personne humaine.
C’est le devoir de l’Église envers tous les hommes.
C’est le devoir de la France envers tous les peuples.
Alors pourquoi ne réuniraient-elles pas leurs efforts ?
Je crois à la distinction du spirituel et du temporel comme un
principe de liberté.
Je crois à la laïcité comme un principe de respect.
Mais l’Église ne peut pas être indifférente aux problèmes de la société à laquelle elle appartient en tant qu’institution, pas plus que la politique ne
peut être indifférente au fait religieux et aux valeurs spirituelles et morales. Il n’y a pas de religion sans responsabilité sociale, ni de politique sans morale.
Alors pourquoi, chacune s’efforçant de comprendre l’autre et de la respecter, chacune restant à sa place et dans son rôle, mais conscientes qu’elles aient des idéaux communs, l’Église et la République française ne seraient-elles pas davantage aux côtés l’une de l’autre pour proposer à l’humanité un sort meilleur que celui qui lui semble promis aujourd’hui par l’accumulation de tant de déséquilibres et d’injustices ? ... »
Le Président de la République Française a-t-il oublié une fois de plus que la France est depuis plus d’un siècle un pays qui ne reconnait aucun culte conformément à l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat ?
Il est particulièrement grave qu’un Président de la République confonde ses convictions religieuses avec celles de la France.
Le Président de la République Française a-t-il oublié une foi de plus que l’Etat Français n’a pas de religion et qu’il se doit d’être neutre dans son fonctionnement et dans son rapport avec les religions ?
La République Française veut-elle la même justice, le même équilibre, la même paix, la même fraternité que l’Eglise catholique ?
Faut-il rappeler que l’Eglise catholique interdit :
Le polythéisme, l’idolâtrie, la superstition, l’irréligion, l’athéisme, l’agnosticisme, le blasphème, l’avortement, l’euthanasie directe, l’adultère, la pornographie, la prostitution, les actes homosexuels, la stérilisation, la contraception, l’insémination artificielle, la fécondation artificielle, le divorce, la cohabitation, le concubinage, l’acte sexuel avant ou en dehors du mariage.
Est-cela le « trésor inestimable de valeurs morales » ?
La France doit-elle se servir de ces interdictions pour définir ce qu’est la justice, l’équilibre, la paix et la fraternité ?
La France et l’Eglise catholique ont-elles la même notion de la dignité de la personne humaine quand on lit ces interdictions ?
Ces interdictions sont extraites du dernier document de catéchisme de l’Eglise catholique datant de 2005, élaboré sous la direction du cardinal Ratzinger et validé par la majorité des cardinaux et des présidents des Conférences épiscopales, dans lequel on trouve aussi :
« Le plus grand désir de l’homme, c’est de voir Dieu. C’est le cri de tout son être : « Je veux voir Dieu. » En effet l’homme réalise son bonheur vrai et total dans la vision et la béatitude de celui qui l’a créé par amour et qui l’attire à lui dans son amour infini. »
« Même si la foi est au-dessus de la raison, il ne pourra jamais y avoir contradiction entre la foi et la science, parce que l’une et l’autre ont Dieu pour origine. C’est Dieu lui-même qui donne à l’homme la lumière de la raison et la foi. »
« Le monde a été créé pour la gloire de Dieu... »
« L’homme a été créé pour connaitre, servir et aimer Dieu... »
« Le chrétien doit témoigner de la vérité évangélique dans tous les domaines de son activité publique et privée, même au prix du sacrifice de sa vie, si cela est nécessaire. Le martyre est le témoignage suprême rendu à la vérité de la foi. »
Est-ce pour respecter ce devoir qu’en janvier 2008 Nicolas Sarkozy a prononcé un discours, en Arabie Saoudite, où il affirmait, au nom de la France :
« Finalement, le Dieu unique des religions du Livre, Dieu transcendant qui est dans la pensée et le cœur de chaque homme.
Dieu qui n’asservit pas l’homme, mais le libère.
Dieu qui est le rempart contre l’orgueil démesuré et la folie des hommes.
Dieu qui par delà toutes les différences ne cesse de délivrer à tous les hommes un message d’humilité et d’amour, un message de paix et de fraternité, un message de tolérance et de respect… »
La morale nécessaire à la politique doit-elle s’inspirer de la morale prônée par L’Eglise catholique ?
L’Etat Français et l’Eglise catholique ont-ils des idéaux communs qui, rassemblés, permettraient à l’humanité d’envisager un avenir meilleur ?
La France est composée essentiellement de catholiques, de protestants, de musulmans, d’agnostiques et d’athées.
Tous ces hommes et ces femmes n’ont pas la même notion de la justice, de l’équilibre, de la paix, de la fraternité et de la dignité de la personne humaine.
On ne peut pas promulguer des lois comme celle interdisant les signes religieux dans les écoles publiques et en même temps faire la promotion publique d’une religion, surtout quand on a été élu Président de la République Française.
Nicolas Sarkozy, dans de nombreux discours, ne respecte pas l’article 1er de la Constitution Française qui stipule :
« La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances... »
Faut-il rappeler l’avis du Conseil d’Etat du 3/05/2000, Dlle Marteau, qui stipulait :
« 1°) Il résulte des textes constitutionnels et législatifs que le principe de liberté de conscience ainsi que celui de la laïcité de l’Etat et de neutralité des services publics s’appliquent à l’ensemble de ceux-ci ;
2°) Si les agents du service de l’enseignement public bénéficient comme tous les autres agents publics de la liberté de conscience qui interdit toute discrimination dans l’accès aux fonctions comme dans le déroulement de la carrière qui serait fondée sur leur religion, le principe de laïcité fait obstacle à ce qu’ils disposent, dans le cadre du service public, du droit de manifester leurs croyances religieuses ;
Il n’y a pas lieu d’établir une distinction entre les agents de ce service public selon qu’ils sont ou non chargés de fonctions d’enseignement ;
3°) Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le fait pour un agent du service de l’enseignement public de manifester dans l’exercice de ses fonctions ses croyances religieuses, notamment en portant un signe destiné à marquer son appartenance à une religion, constitue un manquement à ses obligations ;
Les suites à donner à ce manquement, notamment sur le plan disciplinaire, doivent être appréciées par l’administration sous le contrôle du juge, compte tenu de la nature et du degré de caractère ostentatoire de ce signe, comme des autres circonstances dans lesquelles le manquement est constaté ;
Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, à Mlle Julie MARTEAUX, au ministre de la fonction publique et de la réforme de l’Etat et au ministre de l’éducation nationale ;
Il sera publié au Journal officiel de la République française. »
Le Président de la République Française n’est pas un agent de l’Etat. Il en est le chef, il parle au nom de la France, en particulier à l’étranger. A ce titre, il n’a pas le droit de « manifester ses croyances religieuses. »
Il est particulièrement grave qu’un Président de la République ne respecte pas une loi aussi importante que celle concernant la séparation des Eglises et de l’Etat ainsi que la Constitution Française.
Faut-il rappeler que, selon l’Eglise catholique, le citoyen ne doit pas, en conscience, obéir quand les prescriptions des autorités civiles s’opposent aux exigences de l’ordre moral qu’elle a défini :
« Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes »
En se situant au-dessus des lois de la République et en ne les respectant pas, on peut se demander si Nicolas Sarkozy n’est pas dans la stricte application de ce commandement.
Le Président de la République Française n’est pas élu pour parler de Dieu et pour sauver le monde comme s’il était détenteur d’une mission divine.
Un Président de la République n’est pas élu pour glorifier une religion qui prétend être le « sel de la terre » et la « lumière du monde » et qui par ses interdictions s’opposent à la liberté de pensée et de conscience, ainsi qu’aux lois de la République.
La liberté religieuse est un des fondements de notre démocratie mais un état laïc impose qu’aucune religion ne soit favorisée et que ceux qui le représentent, en particulier son chef, soient d’une totale neutralité dans leur fonction publique.
Les manquements à cette neutralité sont condamnés par les tribunaux administratifs quand il s’agit d’agents de l’Etat. Son chef ne peut pas l’être...