On savait déjà que l’Eglise catholique considérait l’athéisme parmi « les faits les plus graves de notre société », cette affirmation étant écrite dans son « Directoire général pour la catéchèse ». Mais l’on ne savait pas pourquoi.
Dans un message du 6/08/2010 « aux jeunes du monde », afin de les inviter aux XXVI èmes journées mondiales de la jeunesse en 2011 à Madrid, le pape Benoît XVI a affirmé :
« Or l’expérience enseigne qu’un monde sans Dieu est un enfer où prévalent les égoïsmes, les divisions dans les familles, la haine entre les personnes et les peuples, le manque d’amour, de joie et d’espérance. A l’inverse, là où les personnes et les peuples vivent dans la présence de Dieu, l’adorent en vérité et écoutent sa voix, là se construit très concrètement, la civilisation de l’amour, où chacun est respecté dans sa dignité, où la communion grandit avec tous ses fruits. »
Ce message a été repris par les principaux medias et a été diffusé dans toutes les églises catholiques du monde entier ainsi que sur tous les sites internet catholiques. On peut donc considérer que des centaines de millions de personnes en ont eu connaissance.
Ce message du pape est très important car il informe enfin sur la réalité de la vie des athées et des dangers de l’athéisme. Il est d’autant plus important que ceux qui ont été dès leur naissance baignés dans la religion peuvent ne pas connaître cette triste et dangereuse réalité.
Ainsi, « les jeunes du monde » doivent savoir que l’athéisme a pour conséquence un monde si atroce qu’il est un enfer.
Ils doivent savoir également que l’égoïsme prime chez les athées et qu’ils sont frustrés d’amour. Ils sont aussi en manque de joie et d’espérance. Leurs familles sont divisées et plus grave encore, ils sont porteurs de haine entre les personnes et les peuples.
Par contre, quand on vit avec la présence de Dieu, c’est le bonheur assuré, l’humanité connait une véritable « civilisation de l’amour » et les hommes se respectent enfin.
Face à de telles affirmations, on est en droit de se demander dans quel monde vit le pape. De quels peuples et de quels hommes parle-t-il ?
Les athées seront certainement étonnés de la manière dont le pape les décrit et du danger qu’ils représentent. Il est difficile de ne pas en conclure qu’ils sont les responsables de tous les conflits, de tous les massacres et des explosions de haine que l’on constate actuellement.
Néanmoins, la lecture de ce message du pape m’a conduit à me demander jusqu’à quel point une grande majorité de croyants de toutes religions pouvait adhérer à cette description de l’athéisme et des athées. Je pense que cette description est largement partagée.
Aussi, il m’a semblé nécessaire de proposer une analyse factuelle de l’athéisme.
Du fait de sa terminaison en « isme », l’athéisme se doit d’être une doctrine, une théorie, une idéologie. Elle est par définition la doctrine des athées.
Cette doctrine s’exprime en quelques mots : la négation de toutes les divinités tant qu’il ne sera pas prouvé par des preuves tangibles qu’elles peuvent exister. Rien de plus, rien de moins.
C’est certainement la plus simple des doctrines humaines au point qu’on est en droit de se demander si on peut l’appeler doctrine. D’autant plus qu’elle a pour seul but de nier l’existence d’êtres dont il n’a jamais été apporté la moindre preuve de leur réalité.
L’athéisme n’est que le refus du dogme des religions sur l’existence d’un ou des dieux tant qu’on ne leur a pas prouvé le contraire. Il n’est donc pas aussi un dogme comme certains l’affirment, mais son contraire, puisque ce principe peut à tout moment être remis en question.
Doit-on rappeler que le refus des dogmes est le fondement du raisonnement scientifique ?
Il est donc tout à fait cohérent d’affirmer comme Antonio Lopez Campillo et Juan Ignacio Ferreras :
« L’athéisme est un isme sans doctrine spécifique ; il se nourrit de la pensée et des découvertes d’autrui, celles des physiciens, des chimistes, des biologistes, des géologues, des anthropologues, des historiens et tant d’autres chercheurs dans le monde. »
Mais il est utile d’ajouter que l’athéisme se nourrit avant tout de l’absence totale de preuves de l’existence de dieux.
Ainsi les athées ne vivent pas avec l’idée qu’un dieu peut les guider, les contrôler, les punir, les récompenser. Ils ne croient pas à la vie éternelle, et ne se prosternent devant aucune statue.
C’est tout ce que les athées ont en commun. Cela en fait-il une idéologie, une doctrine ?
L’athéisme ne se pratique pas car ce n’est qu’une non-pratique. Ce n’est pas plus une croyance car c’est une non croyance. Prétendre que l’athée est un croyant, c’est considérer qu’un non-conformiste est un conformiste, qu’un non-violent est un violent, qu’un non-voyant est un voyant, etc...
L’athéisme ne propose aucune morale, aucune manière de vivre, aucune rencontre, aucune politique, aucune philosophie, aucune idole, aucun texte fondateur, aucun système de pensée, aucune communauté, aucun sentiment, aucun maître, aucune soumission.
L’athéisme n’interdit rien, n’impose rien. Il n’a aucune vision particulière de la société si ce n’est qu’il refuse qu’elle soit soumise à un dieu. L’athéisme n’interdit à personne de croire en Dieu mais implique un refus aux croyants à prétendre diriger la société au nom de ce même Dieu.
L’athéisme ne propose aucune clé du bonheur, ne conseille, ni ne promet rien.
L’athéisme ne peut pas s’imposer et ne peut donc pas être totalitaire car on ne peut imposer ce qui n’est qu’une façon de penser même si elle est aussi simple que l’athéisme.
L’athéisme s’arrête à sa définition. Dès que l’on veut aller un peu plus loin que sa définition, on peut trouver autant d’athéismes que d’athées.
Un athée peut être raciste, antiraciste, criminel, bienfaiteur, égoïste, généreux, lâche, courageux, violent, doux, cruel, compatissant. Rien ne définit un athée si ce n’est qu’il est en accord avec l’athéisme comme simple négation des divinités.
Un athée tel Xavier Beauvois peut réaliser un film comme « Des hommes et des Dieux » que la Conférence des évêques de France a qualifié de « chef-d’oeuvre de paix ».
Comment un athée a-t-il pu réaliser un tel « chef d’oeuvre de paix » alors qu’il est censé vivre dans la haine si l’on en croit le pape ?
Faut-il rappeler qu’aucun massacre n’a jamais été perpétré au nom de l’athéisme ? Personne n’a jamais tué au nom de l’athéisme.
Il n’y a pas d’athéisme intégriste, fondamentaliste ou extrémiste ou alors tous les athées sont intégristes, fondamentalistes ou extrémistes. On n’est pas plus ou moins athée. L’athéisme n’a pas évolué depuis sa définition. Les athées que l’on traite d’intégristes, de fondamentalistes ou d’extrémistes sont des athées qui ont adhéré à une doctrine particulière en plus de leur athéisme.
Les anticléricaux sont souvent considérés comme des athées extrémistes alors qu’ils adhèrent à une idéologie qui ne concerne pas que les athées. De nombreux croyants sont anticléricaux.
L’athéisme n’est par sa définition ni anticlérical, ni anti-religions.
Des athées peuvent être anticléricaux ou anti-religions, d’autres ne le sont pas.
L’athéisme ne donne de justification à aucun comportement si ce n’est de ne pas aller dans un lieu de culte pour y prier Dieu. Est-ce un danger pour l’humanité ?
Une doctrine par définition enferme, donne un cadre. Dans ce cas, l’athéisme serait plutôt une non-doctrine puisqu’il ne fait que s’opposer aux doctrines liées à la croyance en l’existence de dieux. Il n’est concerné par aucun autre sujet.
L’athéisme ne devrait jamais entraîner des débats compliqués sur sa nature car il se rapporte à un sujet qui n’est pas relatif. Un dieu existe ou non. Il n’existe pas en partie ou de manière relative.
L’athéisme n’affirme rien à priori puisqu’il ne fait que répondre à l’affirmation,
« un dieu existe », en demandant des preuves de cette affirmation et en indiquant que tant que ces preuves ne seront pas données ou que des arguments crédibles de la possibilité de son existence ne seront pas fournis, cette affirmation ne peut pas être validée.
Tous les enfants du monde naissent sans Dieu dans leur cerveau. L’athéisme peut donc être considéré comme naturel. Une éducation n’est pas nécessaire pour être athée. L’idée de Dieu vient de l’éducation. Il y a encore quelques siècles, cette idée de Dieu pouvait être simplement le constat de la totale méconnaissance des mécanismes de l’univers et du fonctionnement humain. Il n’y avait aucune raison de ne pas adhérer à l’idée de Dieu qui permettait de donner des explications au fonctionnement de l’homme et de l’univers. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
A titre de comparaison, on peut prendre l’existence ou non des extra-terrestres. Si il est aujourd’hui impossible de donner des preuves de l’existence des extra-terrestres, il existe par contre des arguments scientifiques crédibles de la possibilité de leur existence. C’est la raison pour laquelle il n’existe pas d’équivalent à l’athéisme concernant les extra-terrestres.
L’athéisme dans sa définition générale, ne se démontre pas puisqu’il est impossible de démontrer qu’aucun dieu n’existe. Par contre, l’athéisme quand il s’applique à des dieux en particulier peut se démontrer. Il existe en effet deux sortes de dieux :
- ceux qui sont définis comme n’ayant aucune action sur les hommes et l’univers. Leurs définitions ne peuvent pas être soumises à vérification. Il est impossible de démontrer leur existence ou leur inexistence.
- ceux qui sont définis comme agissant sur les hommes et l’univers. C’est le cas du Dieu des monothéistes et de certains dieux de la mythologie. Leurs définitions peuvent être soumises à vérification et il doit être possible de démontrer leur existence ou leur inexistence.
Ainsi, il est parfaitement possible de démontrer, par exemple, que les déesses greques Héméra et Nyx n’existent pas car elles sont censées apporter le jour et la nuit sur la terre indépendamment du soleil. Le fait de démontrer que le jour et la nuit dépendent du soleil prouve l’inexistence de ces déesses.
Pour affirmer qu’un être existe, on doit pouvoir prouver que ce qui le caractérise est une réalité. A l’inverse, quand on prouve que ce qui caractérise un dieu est faux, l’on démontre que ce dieu, tel qu’on l’a défini n’existe pas. Quand ses caractéristiques s’appliquent au monde du réel, elles sont accessibles à la vérification. Son analyse va ainsi permettre de savoir si ce dieu existe ou non. Cette analyse est tout à fait possible pour le Dieu monothéiste qui est décrit comme donnant la vie et décidant de la mort, comme aidant les pauvres et sauvant les opprimés, etc... Défini comme ayant une action sur le monde réel, l’action du Dieu des monothéistes doit pouvoir être vérifiée. Si elle ne l’est pas, c’est que ce dieu n’existe pas.
L’athéisme est donc, dans certains cas, justifié par l’analyse des faits et des découvertes qui ont amélioré les connaissances sur l’homme et l’univers. Il est néanmoins essentiellement justifié par l’absence totale de preuves de l’existence de dieux. Les athées ne sont que des hommes et des femmes qui sont dans l’attente de ces preuves pour modifier leur façon de penser. Ils ne font que raisonner suivant des principes qui sont à la base de l’évolution des connaissances humaines.
Considérer ce raisonnement comme dangereux montre clairement que l’Inquisition n’est pas de l’histoire ancienne mais reste dans l’esprit de nombreux responsables religieux.
Le pape par son message stigmatise les athées en estimant qu’ils sont dangereux pour l’humanité. Doit-on considérer qu’il respecte les athées dans leur dignité et qu’il prône une civilisation de l’amour ?
Pour l’Eglise catholique, la civilisation de l’amour a pour conséquence le rejet de ceux qui ne pensent pas comme elle. Doit-on continuer à la considérer comme une autorité morale ? Il semble temps de se poser la question.
Prétendre que dans un monde sans Dieu, soit celui où vivent les athées, prévalent les égoïsmes, les divisions dans les familles, la haine entre les personnes et les peuples, le manque d’amour, de joie et d’espérance est non seulement contraire à la réalité mais il est le contraire d’un message de paix.
Ce n’est pas un monde sans Dieu qui est un enfer où règne la haine comme l’affirme le pape, mais un monde sans éducation et sans règles de vie commune.
Or l’athéisme ne proposant, ni ne rejetant aucune éducation, ni règles, parce que ce n’est tout simplement pas son objet, ne peut en rien être responsable de l’action individuelle ou collective de qui que ce soit.
Les religions estiment que c’est à elles de guider l’humanité en cherchant à imposer leur vision d’un monde soumis à leurs dieux. Un tel comportement ne peut que créer des conflits et des drames. L’athéisme par son principe de négation des divinités est en opposition avec cette volonté et indique que les religions n’ont aucun monopole à revendiquer sur ce sujet. Ni plus, ni moins.
La liberté de pensée et de conscience est certainement un des plus grand progrès de l’humanité. Les religions revendiquent à juste titre cette liberté fondamentale mais en stigmatisant l’athéisme comme il le fait, le pape ne la respecte pas.
Est-il acceptable de revendiquer une liberté pour soi et de la refuser aux autres ?
L’athéisme ne conteste à personne le droit de croire en Dieu et de pratiquer la religion qu’il a choisi.
Un monde sans Dieu n’est certainement pas un enfer mais un monde où l’homme est considéré comme le seul responsable de ses actes.
Est-ce un problème grave pour l’humanité comme le prétendent les
religions ?